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L'Anneau du Nibelung

(traduction et introduction), Montréal, VLB éditeur, 1990

1848 : l'année de la grande peur. En janvier, à Londres, Karl Marx et Friedrich Engels viennent de publier le Manifeste du Parti communiste. En février, la vieille Révolution française renaît péniblement sous la cendre. Il n'en fallait pas davantage pour que l'Europe entière s'enflammât. C'est d'abord Vienne et Berlin, puis c'est Milan, Pesth, Prague, puis bientôt toute l'Allemagne, toute l'Italie, la Hongrie, la Bohême qui flambent. Wagner rédige des tracts, les distribue dans les rangs de l'armée au mépris de sa vie, prononce des discours violents. Il est socialiste et pressent pour la première fois la possibilité d'un ordre nouveau. Mais c'est en artiste qu'il entrevoit la perspective d'une régénérescence de l'Art par la refonte du contrat social et le réaménagement des conditions dans lesquelles l'artiste doit produire son œuvre.

 

Au cœur de ces temps d'insurrection, Wagner vient de prendre connaissance des vieilles légendes, plus réellement scandinaves que germaniques, et il en tire l'esquisse d'un projet de drame qui deviendra bientôt L'Anneau de Nibelung. L'Anneau de Nibelung est sans aucun doute, avec le corpus des tragédies grecques de l'Antiquité, l'œuvre la plus considérablement puissante qui soit jamais issue d'un cerveau humain. Theodor Adorno ne considérait-il pas, d'ailleurs, L'Anneau de Nibelung comme une sorte de "phénoménologie de l'esprit conçu comme destin" où viennent s'entrechoquer toutes les forces fondamentales de l'âme humaine : l'angoisse, l'instinct, la puissance, le désir, tous ces pouvoirs aveugles qui font qu'il y a plus que l'homme dans l'homme et que son destin peut être perçu comme une énigme.

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